Avant-propos
C’est en lisant un article paru dernièrement dans la presse IT à propos d’IBM qui aurait déclaré : « Les utilisateurs Mac, plus heureux et plus productifs » que l’envie nous est venue de poser la question qui nous occupe. En plus de ces deux affirmations, les coûts de support seraient moins élevés avec des ordinateurs Apple ! Voilà qui nous interpelle …
Sans rentrer dans les détails, dommage que cet article ne mentionne pas le prix payé par IBM pour l’acquisition des 150.000 Mac ainsi que les iPhone et iPad composant son parc informatique. Parc dont la taille totale est estimée à 290.000 terminaux d’après ZDNet mais sans qu’ils ne mentionnent la part représentée par les autres terminaux Apple (iPad, iPhone …) ni Windows ou autres. D’une part, il ne fait aucun doute que le prix payé par IBM pour ses ordinateurs Apple ne sera pas le même que celui d’une entreprise lambda eu égard à la quantité d’appareils acquis. D’autre part, quelle publicité fantastique pour Apple que d’avoir une entreprise aussi célèbre et importante que IBM pour vanter à ce point les mérites de ses appareils.
Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître mais pour IBM quelle portée symbolique que de pouvoir s’adouber de plus en plus des produits de l’entreprise qui l’a fait chuter de la première place du podium « de la plus importante entreprise au monde », j’ai nommé Microsoft.
Qu’en était-il en 2010 ?
Il y a encore 10 ans poser la question c’était y répondre : non. Et ce pour les mêmes raisons qu’il y a 10 ans un OS (ndlr : Operating System ou Système d’Exploitation en français) comme Mac OS X n’était pas non plus une alternative à Windows sauf contexte particulier. Les mondes de la presse, de la vidéo et de la photo sont depuis longtemps acquis à la cause de la firme à la pomme eu égard à l’avancée technologique qu’à longtemps conservé certains éditeurs de programmes dans les domaines susnommés sur cet OS.
Pourquoi ?
La première raison de la négation est qu’en 2010 la convergence vers le web ; donc vers le cloud ; qui permet d’asexuer l’applicatif n’avait aucune commune mesure avec celle d’aujourd’hui. A l’époque si le(s) programme(s) dont une entreprise devait absolument se servir n’existait que sous Windows … et bien l’entreprise devait acheter des ordinateurs Windows.
La seconde raison est qu’il y avait, et il y a toujours, beaucoup plus de sources pour Windows sur le web pour pouvoir debugger en cas de dysfonctionnement qu’il n’y en a pour Linux. C’est une réalité, Windows 10 vient de passer le cap du milliard d’appareils début février 2020, sans compter les plus anciennes versions encore en activité. Il est le numéro un incontesté des OS pour ordinateurs personnels depuis bien longtemps et les sources liées à celui-ci sont proportionnelles. Mais nous considèrons que cet argument doit être tempéré, à tout le moins vu sous un autre angle. La grande popularité de l’OS de Microsoft a aussi eu pour effet que les développeurs de malwares tels que ransomware, virus, bot, exploit etc … en ont fait leur cible privilégiée. Un OS comme Linux n’intéresse que peu ces développeurs d’applications malveillantes puisqu’il y en a beaucoup moins qui peuvent potentiellement être infectés. Linux a l’avantage de son inconvénient : il y a moins de sources disponibles pour s’aider en cas de problème mais la probabilité qu’il y ait un problème d’ordre infectieux est aussi nettement moins importante. Certains diront que Linux est nativement mieux protégé mais ça c’est un autre débat dans lequel nous ne rentrerons pas ici …
La troisième raison souvent invoquée est que le coût de la main-d’œuvre pour intervenir est moins élevé lorsqu’il s’agit de Windows. Le sacro-saint principe de l’offre et de la demande s’applique : il y a nettement plus de professionnels Windows qui opèrent sur le marché, du coup le prix de leurs prestations est moins élevé que leurs homologues Linux plus rares, à niveau de compétences équivalents. Mais ici aussi nous tempèrerons volontiers cet argument. Il ne fait pas beaucoup de doute qu’il vaut mieux faire appel occasionnellement à un professionnel Linux plus cher que plus régulièrement à un professionnel Windows moins cher. De plus, comme nous l’évoquions dans mon précédent article « Dites donc il fonctionne pas ce machin », le coût à prendre en compte n’est pas que celui du professionnel qui intervient. Dans une entreprise lorsqu’un utilisateur doit s’arrêter pour un incident informatique, l’absence de productivité de celui-ci pendant l’intervention du professionnel représente un coût supplémentaire pour l’entreprise. On peut rajouter à cela un impact psychologique auprès de l’utilisateur stressé qui ne peut pas continuer son travail et qui risque de prendre un retard préjudiciable si la résolution de l’incident venait à s’éterniser. Cette dernière remarque vaut d’ailleurs aussi pour le chef d’entreprise.
Et c’est tout ?
Non. Du fait que Windows est numéro un, il est omniprésent : il est préinstallé par défaut sur quasi tous les ordinateurs des principaux fabricants que sont HP, Lenovo, Dell et consorts. Peu d’entreprises, surtout s’il s’agit d’une PME, mettront des moyens financiers pour désinstaller et déployer un autre OS alors qu’il y en a un qui est prêt à l’utilisation. En outre, tous ces fabricants mettent à jour les pilotes Windows des différents éléments qui composent les ordinateurs, et ce, encore plusieurs années après la sortie d’un modèle. Ubuntu, comme toutes les distributions Linux, ne peut pas se le permettre. Mais le combat est inégal. Difficile de lutter face à des entreprises qui pèsent des dizaines de milliards de dollars, voire des centaines dans le cas de Microsoft alors que Canonical, la société derrière Ubuntu, ne pèse « que » cent millions de dollars.
La gratuité d’Ubuntu n’est pas un argument fort en sa faveur tant la part du prix payée par l’acheteur d’ordinateur pour le droit d’utilisation de Windows est insignifiante par rapport au coût global de la machine. Pour les mêmes raisons que celles évoquées ci-dessus, pourquoi désinstaller un OS dont on sait qu’il fonctionnera très bien pour un autre dont la compatibilité avec le hardware n’est par ailleurs pas garantie à 100% en fonction du modèle ? L’installation d’une distribution Linux comme Ubuntu est une alternative lorsqu’un ordinateur doit être recyclé après son amortissement ; entre 3 et 5 ans selon les entreprises ; et ainsi lui donner une seconde vie. Même en ayant pris de l’embonpoint avec le temps, une distribution Linux reste plus légère que Windows 10. Donc en termes de performance, c’est une seconde jeunesse qui s’annonce pour le matériel déclassé. Pour les raisons évoquées plus loin, il ne faut pas non plus que la machine soit trop ancienne.
Concernant la compatibilité du hardware, nous utilisons un HP Elitebook (série pro) de 2013 sur lequel Ubuntu est installé. Tout fonctionne ou presque. Nous avons constaté que le témoin wifi ne passe pas de la couleur blanche à la couleur orange, et inversement, lorsque je presse celui-ci. Par contre si la pression sur ce bouton n’engendre pas de changement de couleur, l’activation ou désactivation de la carte wifi fonctionne parfaitement bien. La deuxième constatation est un peu plus gênante. Nous utilisons une station d’accueil ultra slim de HP elle aussi et lorsque notre laptop Ubuntu y est connecté, pas de possibilité de gérer mes deux écrans externes. Seul le mode « clone display » (ndlr : tous les écrans affichent la même chose) est possible. Soyons clair : nous n’avons pas passé des heures à essayer de corriger les deux dysfonctionnements rencontrés et peut-être existe-t-il des solutions … Néanmoins, aucune entreprise n’ira investir des heures de main d’œuvre coûteuses sur un matériel ayant une pareille valeur résiduelle du fait de son âge canonique … c’est le cas de le dire pour Ubuntu ! D’ailleurs, Canonical publie une liste de laptops et desktops dont le hardware est certifié pour son OS. Pour reprendre l’exemple de HP que je connais bien, il y a 22 desktops et 12 laptops. La première constatation, c’est que le hardware présent dans cette liste est récent. La seconde, c’est que l’on y trouve que des séries professionnelles. Pas la peine de chercher après les séries vendues aux particuliers et que l’on peut facilement trouver en supermarché ou chez des revendeurs locaux. Il est à noter que Dell est le fabricant le mieux représenté avec pas moins de 422 références.
La cerise sur le gâteau : nous avons trouvé le pilote Linux de notre imprimante/copieur multifonction Canon. Encore un signe que les temps changent. Il y a 10 ans, je n’aurais pas parié un kopeck sur le fait de pouvoir trouver un tel logiciel pour cet OS sur le site de l’entreprise nipponne.
Alors en 2020, Linux Ubuntu Desktop dans les entreprises ? Oui mais …
L’hégémonie de Windows est toujours d’actualité côté utilisateur mais le marché et les mentalités ont évolués. Si Mac OS X gagne du terrain, Linux aussi. Là où il y a encore quelques années Microsoft refusait ne fut-ce que d’en entendre parler, il est maintenant le bienvenu : possibilité d’installation de distributions en VM sous Hyper-V, Azure, WSL pour Windows 10 etc … Linux n’est plus un paria du côté de Redmond, bien au contraire. D’ailleurs à quand une distribution Linux signée Microsoft ?
J’utilise au quotidien les trois principaux OS que sont Windows, Mac OS X et Linux. Contrairement à ce que pourrait laisser croire les arguments avancés plus haut, je ne suis ni pour ou contre Windows ou Linux. Ils ont des avantages et des inconvénients. En entreprise c’est l’analyse de besoin qui aura force de loi et permettra d’effectuer le bon choix. Le prix n’est pas le seul élément à prendre en compte et une entreprise n’est pas l’autre. Mais il est clair qu’à l’aube de cette nouvelle décennie, une distribution Linux comme Ubuntu est sortie de son confinement et il n’est plus tabou de l’évoquer comme alternative à Windows côté client (ndlr : « client » par opposition à « server ») pour tout ou partie d’un parc informatique. Les cas où cela sera possible sont encore spécifiques. La sécurité pourrait être l’un d’eux. Ou encore une petite entreprise aux moyens limités qui cherche à optimiser la rentabilité de son matériel déclassé.
Nous pourrions également évoquer les thin client (clients légers) qui eux aussi sont de plus en plus populaire sous Linux. Il n’est plus rare d’en croiser dans les entreprises. Rappelons tout de même qu’ils sont dédiés à des utilisations particulières et toutes les entreprises ne pourront s’en satisfaire.
Il y a aussi la question du déploiement automatisé qui est aussi possible sous Linux. Bien que sur ce point, particulièrement pour les entreprises ayant un grand nombre de PC à gérer, Windows 10 sera difficilement concurrençable avec un système comme Autopilot. Surtout si cette entreprise est déjà liée à Microsoft par le biais de Office 365 et technologies assimilées.
Et à la maison ?
La réponse est clairement oui. Et cela fait un moment qu’il en est ainsi. Mais comme pour les entreprises, avant tout changement, il faut au moins se poser la question de savoir si votre programme préféré dont vous ne pouvez/voulez pas vous passer existe sous Linux. Idem pour le pilote de votre imprimante par exemple. Au-delà des quelques questions préliminaires à se poser, Linux à la maison peut tout à fait devenir une réalité et se substituer à Windows 10.